02 02 2017
Il y a des matins un peu vaseux, comme ça, où on se lève dans un état semi-comateux, sans savoir si l’on est vraiment dans son lit ou dans un lieu un peu moins familier.
C’est ce qui m’est arrivé aujourd’hui en ouvrant les yeux. Je ne distinguais pas l’habituelle fenêtre de ma chambre, éclairée depuis l’extérieur par un lampadaire sadique qu’un fonctionnaire communal qui l’était tout autant a placé juste devant ma maison.
Passant la main sur ma gauche, j’espérais rencontrer la silhouette gracieuse de ma tendre épouse encore endormie. Mais non, j’étais seul dans ce lit immense et froid. Devant moi, en guise de fenêtre, se trouvaient deux hublots donnant sur une pièce que je ne connaissais pas.
M’approchant de ces deux cavités inconnues, dont la vue était à demi cachée par une sorte d’auvent effiloché couleur paille qui les surplombait, je distinguais enfin où j’étais, en me rappelant des images vues dans les journaux : le bureau ovale de la Maison-Blanche.
Plus aucun doute n’était permis : j’étais à l’intérieur de… Donald Trump et je voyais par ses yeux !
Me retournant, apeuré, j’ai contemplé la chambre, d’un style bling-bling où les dorures kitsch se mariaient à merveille avec la moquette en fourrure rose bonbon.
Je suis sorti de cette pouponnière pour films porno à la vitesse de l’éclair. J’étais dans un hôtel, au 38ème étage. Dans le couloir, trois jeunes mannequins très dévêtus répondant au prénom de Natasha, Svetlana et Olga déambulaient en sniffant de la coke et en buvant du champagne. Le type qui était avec elles me disait quelque chose. Poutine, peut-être ?
Un peu plus loin, une femme de chambre noire se faisait tabasser par trois grand flics blonds à la mâchoire carrée, qui lui demandaient si elle était musulmane et si elle avait couché avec Barack HUSSEIN Obama.
Que faire ? Intervenir ? Paniquer ? Me cacher ? Non, il fallait absolument sortir de là.
J’ai pris le premier escalier de service que j’ai trouvé, dans l’obscurité la plus totale. Là, au fond d’un couloir, une lueur a attiré mon attention. Ma rapprochant, j’ai vite dû déchanter : Il s’agissait d’une croix en feu, pièce maitresse d’une procession du Klu-Klux Klan.
Vite, m’enfuir par les égouts, ce n’est pas ce qui manque dans la tête de Donald Trump. Mais comment retrouver l’air libre ? Surtout quand certaines issues sont bouchées par des murs, eux-mêmes construits par des Mexicains enchaînés 24 heures sur 24.
Enfin, c’est ce que j’imagine, car je n’étais pas là depuis 24 heures, quand même ? Depuis que Donald Trump a été élu, le temps paraît s’écouler de plus en plus lentement, vous ne trouvez pas ?
Parvenant néanmoins à m’extraire de l’un des innombrables obstacles protectionnistes susmentionnés, je me suis alors retrouvé dans une clairière baignée dans un grand ciel bleu. La sortie ? Peut-être, d’autant que la nature était en fête, j’entendais gazouiller tout autour de moi.
Sauf que les gentils petits oiseaux bleus étaient si nombreux qu’ils formèrent bientôt un essaim aussi dangereux qu’un nid de guêpes en furie, mais des guêpes qui faisaient « tweet » au lieu de « Bzz ».
Happé par le nuage de 140 caractères, j’ai croisé Alec Baldwin, que la milice sponsorisée par la NRA s’apprêtait à transférer à Guantanamo en compagnie du rédac ‘chef du New York Times, de Robert De Niro et de Meryl Streep. J’ai échappé de peu à la rafle en sautant dans le vide intersidéral du programme politique de Donald Trump. Là, c’est un puit sans fond, personne ne pouvait m’y retrouver.
Après avoir dérivé de longues minutes, je suis tombé sur le Triangle des Bermudes trumpien, l’endroit où personne n’est jamais allé, en tout cas d’où personne n’est jamais revenu : j’étais en effet assis au milieu d’une masse de papier passée au destructeur de documents.
Oui, plus aucun doute n’était permis : je venais de terminer ma course en compagnie de la déclaration fiscale de Donald Trump. Mais les fourches caudines du destructeur de papier se rapprochaient dangereusement de moi. Jamais je n’aurais imaginé une mort aussi grotesque. Mais avec ce type, il faut se préparer à tout.
Sentant le vrombissement des ténèbres souffler sur ma gorge, j’ai fermé les yeux, longtemps, capitulant devant tant de cruauté, puis je les ai rouverts.
J’étais de nouveau chez moi, dans mon lit, ma tendre épouse à mes côtés et mon chat ronronnant au bout du lit. Ouf, ce n’était qu’un cauchemar.
Quel jour sommes-nous, déjà ? Le 8 novembre, c’est ça ? Ah oui, importante journée, Hillary Clinton va être élue présidente, on l’aura échappé belle.
Cauchemars, cauchemars. J’adore me réveiller d’un cauchemar, pour me dire que tout va bien.
Vous dites ? Nous ne sommes pas le 8 novembre 2016, mais fin janvier 2017. Et Hillary ?
Oui, je sais, personne ne l’aimait, mais quand même… Quoi ? Elle est à la retraite, Hillary ?
…
Bon, je referme les yeux, ce n’est peut-être qu’un cauchemar.